Historique suite
La découverte du Dr Paul Nogier
Le Docteur Paul Nogier décrit dans son ouvrage « Traité d’Auriculothérapie » Editions Maisonneuve 1969 sa découverte.
« L’événement qui est à la base de cette découverte est absolument fortuit. Vers l’année 1950, dans la région lyonnaise où j’exerce, je fus intrigué par une cicatrice étrange que présentait au pavillon de l’oreille un certain nombre de mes malades. Je les interrogeai et appris qu’il s’agissait d’un traitement particulier de la sciatique fait par une guérisseuse Madame Barrin Casalta. Une cautérisation avait été faite, toujours au même endroit, à la partie supérieure de l’oreille sur le rebord de l’anthélix, du même côté que la névralgie observée.
J’appris qu’elle tenait cette méthode de son père qui la lui avait transmise à sa mort, lui-même avait été instruit par un mandarin chinois à qui il avait rendu service.
D’une manière presque unanime, les malades interrogés me signalaient avoir été soulagés assez rapidement (en quelques heures, parfois en quelques minutes), pour qu’on ne puisse douter du lien de la cautérisation et du soulagement. De plus, ce qui étonnait davantage, c’est que souvent il s’agissait de malades traités auparavant sans succès par des méthodes sérieuses et habituelles.
J’opérai alors moi-même quelques cautérisations qui s’avérèrent efficaces, puis j’essayai d’autres procédés moins barbares : la piqûre sèche avec une aiguille donnait de bons résultats si elle était faite dans la région de la cautérisation, et sur les points qui étaient douloureux à la pression.
Pendant 3 ans, journellement, j’examinais l’oreille de mes malades, me demandant si leur pavillon n’était pas le siège de quelque réflexe qu’on ignorait encore. Mais l’oreille refusait de livrer son secret.
C’est une circonstance curieuse qui me fit découvrir la clef de voûte de tout l’édifice. Ayant travaillé avec le Dr Amathieu, passionné comme moi par la vertébrothérapie, ce confrère me répétait comme un leitmotiv : le problème de la sciatique, c’est celui de la 5° vertèbre lombaire.
Cette phrase me revint en mémoire un matin, alors que je regardais pour la millième fois la zone de l’anthélix qu’on cautérisait dans la névralgie sciatique. En un éclair, je compris que la zone cautérisée correspondait peut-être à la 5° vertèbre lombaire et que, dans ce cas, l’anthélix était, suivant tout son rebord, une image de la colonne vertébrale : la partie basse se projetant en haut de l’oreille, et la partie haute se projetant sur la partie basse de l’oreille, tête en bas, la tête étant représentée au niveau du lobule de l’oreille. L’oreille pouvait apparaître comme l’image d’un embryon in utéro, tête en bas. De cette clef, si simple, découla par zones métamérisées (un métamère est une « tranche horizontale du corps centrée sur un étage vertébral ») une véritable cartographie de l’oreille qui se précisa par l’observation et l’expérience au cours des années qui suivirent.

A la partie haute du pavillon se distribuaient les membres inférieurs et supérieurs, je pensais également que la conque devait être la représentation des viscères.
A partir de cette découverte, j’obtins des résultats sur des douleurs extrêmement diverses et qui n’avaient plus aucun rapport avec la névralgie sciatique.
La découverte de l’identité entre l’anthélix et l’image de la colonne vertébrale date de 1953.

Je parlai de cette découverte à J.E.H. Niboyet, qui était à cette époque le maître incontesté de l’acupuncture en France ; il fut frappé par cette zone réflexe que ne décrivaient pas les chinois. Il m’affirma que les chinois ne connaissaient pas du tout l’image fœtale au niveau du pavillon. En 1956 il insista pour que je prisse la parole au premier Congrès de la Société Méditerranéenne d’Acupuncture pour présenter ma découverte.
La chance me servit alors d’une manière exceptionnelle car à cette première réunion officielle se trouvait le directeur de la meilleure revue allemande d’acupuncture : le Docteur Gérard Bachmann. Homme aux qualités d’observateur, à la fois architecte, peintre et médecin acupuncteur, Bachmann avait depuis plusieurs années l’obsession du pavillon de l’oreille. Il ne s’agissait pas d’utiliser le pavillon de l’oreille comme lieu de réflexe, mais bien d’examiner la forme qu’il trouvait tout à fait étonnante et qui, pour lui, était la marque du caractère, de l’intelligence et de la santé de ceux qu’il observait. Lorsque Bachmann m’eut entendu, son premier désir fut de publier mes travaux dans sa revue « Deutsche Zeitschrift für Akpunctur » à Münich.
Cette publication allemande parvint par le Japon jusqu’en Chine où les médecins sur la demande de Mao Tsé Toung repensaient l’acupuncture traditionnelle. On avait en effet constaté que les charges de la Santé Publique en Chine étaient beaucoup trop lourdes et qu’il était nécessaire de trouver des moyens pour les alléger. L’auriculothérapie arriva à point pour être adoptée et pour permettre aux médecins d’être instruits plus rapidement et surtout plus facilement. Un enseignement de base fut donné dans les campagnes, évitant d’envoyer dans les hôpitaux les malades les moins atteints. Les chinois découvrirent et développèrent le principe de l’analgésie réflexe par l’acupuncture mais aussi par l’oreille. On trouve dans les pharmacies de petites oreilles en caoutchouc sur lesquelles les points les plus importants sont notés. Chaque point est doublé d’un idéogramme signalant sa valeur et son indication. L’auriculothérapie eut ainsi un grand succès en Extrême Orient ce qui favorisa sa large diffusion avant son retour en occident. Je tiens à signaler que mes confrères chinois m’ont toujours reconnu la paternité de cette découverte, n’hésitant pas à mentionner mon nom dans leurs publications.

Pendant cette période l’auriculothérapie a suivi en Europe un développement parallèle à celui de la Chine, les séminaires, les stages pratiques et l’enseignement contribuèrent à une connaissance meilleure de la méthode ».
L’Histoire de l’auriculothérapie était en marche mais la bataille pas encore gagnée loin s’en faut, devant les réticences des instances scientifiques universitaires et hospitalières. Il faudra encore plusieurs dizaines d’années de recherche et de travaux acharnés de la part de ses pionniers avant la reconnaissance officielle de la validité de l’auriculothérapie et de son entrée à l’Université et à l’hôpital.
L’auriculothérapie est reconnue et validée officiellement par l’OMS en juin 1987 à Séoul et standardisée dans une nomenclature internationale des points (nomenclature OMS) en novembre 1990 à Lyon. Dans cette même ville se tient en mai 1994 son premier symposium international.
Depuis, cette discipline ne cesse de s’épanouir dans toutes les directions : recherche scientifique, développement universitaire, pratique hospitalière, rayonnement mondial…
Nous envisagerons cet aspect dans notre prochaine lettre de septembre.